Grossesse et devoir d’informer

Il peut toutefois arriver que l’employeur ait un intérêt légitime à connaître des éléments relevant de la sphère privée du candidat, car ils ont une incidence sur la relation de travail. Cet intérêt entre ainsi en collision avec l’intérêt du candidat à la protection de sa personnalité. Tel peut être le cas de l’état de santé, de la grossesse ou encore des antécédents judiciaires. Il y a alors lieu de procéder à une balance des intérêts en présence. Ce n’est que lorsque de l’information dépend la praticabilité de l’exercice de la profession concernée – et non seulement d’éventuelles difficultés mineures – que l’employeur sera légitimé à poser la question et donc à tirer les conséquences de la réponse qui sera donnée.

La condition précitée s’applique bien entendu à des questions en lien avec la grossesse de la candidate, que ce soit sur sa grossesse présente ou sur son intention d’avoir des enfants. De manière générale, et notamment pour ce qui est des médecins assistantes ou cheffes de clinique, il doit être considéré que poser des questions sur la grossesse – qu’elle soit présente ou future – constitue une atteinte illicite aux droits de la personnalité de la candidate. En effet, quand bien même la grossesse, puis la maternité, ont une incidence sur les rapports de travail (en raison de normes protectrices, puis de l’absence durant le congé de maternité), l’exercice même de l’activité ne sera jamais rendu impossible, sauf situations exceptionnelles de la vie qui peuvent d’ailleurs survenir pour tout un chacun, femmes comme hommes (maladie grave, accident, etc.). Les seules situations où l’employeur serait légitimé à poser une question en lien avec la grossesse, sont à chercher hors du domaine médical. A titre d’exemple, s’il s’agit d’engager une danseuse pour un spectacle qui doit avoir lieu quelques mois plus tard, il paraît logique qu’un éventuel état de grossesse soit connu de l’employeur potentiel, puisqu’il en va de la capacité ou non d’exécuter le contrat de travail dans son ensemble.

Si la travailleuse est néanmoins confrontée à de telles questions lors de l’entretien d’engagement, comment doit-elle dès lors réagir ? Se pose en particulier la question de l’existence ou non d’un « droit de mentir ». La question est controversée parmi les commentateurs du droit du travail. Je suis pour ma part d’avis que ce droit de mentir existe pleinement, dans la mesure où il est la réponse à un comportement contraire au droit de la part de l’employeur. Si la travailleuse répond conformément à la vérité à la question illicite qui lui est posée, elle ne sera pas engagée, ce qui ne fera que cautionner l’attitude discriminatoire de l’employeur.

L’on ajoutera, qu’en vertu de la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, il est interdit de discriminer les travailleuses notamment en raison de leur grossesse, cette interdiction s’appliquant aussi à l’embauche. C’est dire que si une travailleuse n’était pas engagée, ou encore licenciée durant le temps d’essai où elle n’est pas directement protégée, ceci au motif de sa grossesse, le congé serait jugé abusif, car discriminatoire à raison du sexe. Après le temps d’essai, la travailleuse est en revanche protégée de manière plus accrue, puisqu’un congé signifié pendant la grossesse et durant les 16 semaines suivant l’accouchement serait purement et simplement nul.

Il n’en demeure toutefois pas moins que l’employeur aura droit, le moment venu, de connaître l’état de grossesse de son employée, puisque, potentiellement, il devra en tirer des conséquences notamment organisationnelles. Il appartiendra ainsi à la travailleuse d’informer son employeur ou son futur employeur dans un délai raisonnable, soit approximativement durant la première moitié de la grossesse.

CONGÉ DE MATERNITÉ – QUELQUES REMARQUES

Depuis le 1er janvier 2005, les femmes salariées ou exerçant une activité lucrative indépendante ont droit à une allocation de maternité à certaines conditions. Ces allocations sont financées par les cotisations paritaires des parties au contrat de travail et prélevées du salaire des travailleurs.

Pour ce qui est des prestations, l’allocation s’élève à 80% du revenu moyen de l’activité lucrative exercée avant la naissance. Il s’agit-là du minimum légal, les employeurs restant libres de contracter une assurance complémentaire jusqu’à concurrence de l’intégralité du salaire, voire de payer eux-mêmes le complément. C’est ce qu’ont décidé de faire les établissements hospitaliers soumis à la la Convention fixant les conditions de travail et de formation des médecins assistants et chefs de clinique (ci-après : Convention). Selon les règles applicables aux médecins assistantes et cheffes de cliniques soumises à la Convention, le régime minimal est en effet le versement de 100 % du salaire pendant quatre mois, voire cinq en cas d’allaitement.

Cela étant, il y a lieu de rappeler que, sur ce 100% de salaire versé à la travailleuse durant sa maternité, l’employeur en reçoit 80 % de la Caisse de compensation APG. L’argument financier ne devrait dès lors jamais être utilisé pour justifier le non engagement d’une femme enceinte ou le non remplacement d’une employée partie en congé de maternité.

L’on rappellera encore que les conditions pour bénéficier du congé de maternité sont les suivantes :

  • la travailleuse doit être salariée au moment de l’accouchement,
  • elle doit avoir été assurée obligatoirement AVS durant les neuf mois précédant l’accouchement et
  • elle doit avoir exercé une activité lucrative pendant cinq mois durant cette période.

Ces conditions s’appliquent de manière générale et non au sein d’un même employeur.