La réforme de la formation médicale postgraduée en Suisse romande

Les cantons romands veulent davantage coordonner et piloter la formation médicale postgraduée. Il s’agit d’améliorer la qualité, mais aussi de réglementer le nombre de places de formation postgraduée. L’asmac accompagne le projet d’un oeil critique. Voici donc un état des lieux commenté.

Yvonne Stadler, responsable droit / directrice adjointe de l’asmac
Philipp Thüler, responsable politique et communication / directeur adjoint de l’asmac

Personne n’ignore que l’organisation de la formation médicale postgraduée implique certaines questions délicates. Par exemple, la coordination souvent trop peu développée entre les différents établissements de formation postgraduée. Et il n’est pas rare que la prise en charge des médecins-assistant(e)s pendant leur formation postgraduée soit lacunaire. La formation postgraduée structurée n’est souvent pas proposée ou alors de manière inadéquate. A cela s’ajoute le pilotage des admissions. Il permet aux cantons de fixer le nombre de médecins dans les différentes disciplines, mais peut aussi s’accompagner d’une réduction du nombre de postes de médecins-assistant(e)s à l’avenir.

En 2015, la Conférence latine des affaires sanitaires et sociales (CLASS) a mandaté un projet pour réformer la formation médicale postgraduée. Elle entendait ainsi proposer un outil de régulation de la formation médicale postgraduée et d’amélioration de l’efficacité de cette dernière. L’organisation « Réformer » (Réorganisation de la formation postgraduée en médecine en Suisse romande) a donc vu le jour. Les directions de la santé des cantons de Neuchâtel, du Jura, du Valais, de Fribourg, de Genève et de Vaud sont responsables de l’organisation.

Les cantons suisses romands souhaitent atteindre les objectifs suivants avec l’organisation Réformer:

  • Les décisions concernant le nombre de places de formation postgraduée par discipline et par année dans les six cantons romands doivent relever de la compétence des directions cantonales de la santé.
  • Les médecins en formation postgraduée doivent être soutenus par un programme de mentorat.
  • Un mécanisme assurant des retours systématiques permet de collecter des informations sur les filières et d’établir une base de données démographiques.
  • La communication et la collaboration entre les différents établissements de formation postgraduée doivent être renforcées.

L’organisation Réformer est dirigée par un organisme composé des responsables des offices de la santé des six cantons ainsi que de deux représentants des établissements de formation postgraduée et d’un représentant de l’asmac.

Système d’information

La première phase du projet a porté sur la définition d’un système d’information permettant d’assurer la coordination de la formation médicale postgraduée. Par ailleurs, elle a aussi permis de clarifier les questions organisationnelles et financières. La deuxième phase du projet a marqué le début de la phase opérationnelle: l’organisation Réformer a été mise en place. La troisième phase du projet dès 2022 marque le début de la collecte des données relatives aux filières de formation postgraduée et aux médecins en formation. Dans la quatrième phase du projet, dès 2025, l’organisation Réformer sera pleinement fonctionnelle.

Si tout se passe comme le souhaitent les cantons, les jeunes médecins pourront dès 2025 s’adresser à un service centralisé pour s’inscrire pour la formation postgraduée dans la discipline souhaitée. Ils pourront ensuite, à condition qu’il y ait des places disponibles, l’effectuer dans la période et dans l’établissement de formation postgraduée prévus. A l’heure actuelle, on ne sait cependant pas si cela pourra effectivement être réalisé et si le système sera obligatoire ou facultatif pour les jeunes médecins. Il est donc difficile d’évaluer les répercussions concrètes de la réforme pour les médecins-assistant(e)s. Ce qui est sûr en revanche, c’est qu’un système plus fortement réglementé apportera des avantages, mais aussi des inconvénients considérables aux médecins.

Le rôle de l’asmac

La direction du projet a demandé à l’asmac de collaborer dans les différents groupes de travail chargés de la mise en œuvre du projet. L’asmac se montre très critique en ce qui concerne le renforcement du contrôle étatique sur la formation postgraduée, le pilotage accru ainsi que la limitation du nombre de places de formation postgraduée. Dans le même temps, il est important que l’asmac puisse participer à un projet qu’elle ne pourra empêcher et faire part de son point de vue. C’est pourquoi Patrick Mangold, juriste des sections Vaud et Jura, représente l’asmac depuis l’été 2020 dans l’organe de direction. De plus, nous nous engageons pour que les médecins en formation postgraduée soient représentés dans les différents groupes de travail thématiques et spécifiques aux filières du projet pour y faire connaître les intérêts des jeunes médecins. Ces groupes ne se sont pas encore mis au travail, à l’exception de celui consacré au système d’information qui a déjà presque terminé le sien.

Un système d’information pour mettre en oeuvre la coordination visée entre les établissements de formation postgraduée et offrir un aperçu aux médecins en formation est en cours de développement. Il sera bientôt opérationnel. Les groupes de travail des différentes disciplines vont prochainement entamer leurs travaux et échanger à intervalles réguliers sur l’avancement de la réforme.

La mise en œuvre de la réforme a donc déjà commencé. Le système devrait être opérationnel dès 2025. On peut supposer (ou craindre) que ce projet aura un effet de signal pour l’ensemble de la Suisse.

Le principe « plus c’est court, mieux c’est » ne s’applique pas

L’asmac va continuer d’accompagner étroitement le projet pour défendre les intérêts des médecins en formation postgraduée. Toutes les parties impliquées doivent comprendre que le principe « plus c’est court, mieux c’est » ne s’applique pas à la formation médicale postgraduée. Bien sûr, personne ne veut travailler trop longtemps comme médecin-assistant(e). Pourtant, une année de formation postgraduée supplémentaire n’est pas perdue, ni pour le médecin, ni pour l’hôpital ou le système de santé. Les médecins-assistantes et –assistants consacrent une grande partie de leur temps de travail à fournir des prestations aux patients. La formation postgraduée ne représente qu’une petite partie de leur travail à l’hôpital. Plus ils sont expérimentés, plus ils gagnent en autonomie et en efficacité. Les années supplémentaires de formation postgraduée, éventuellement aussi dans d’autres disciplines que celle que l’on vise, élargissent l’horizon et constituent une précieuse expérience.

De plus, il est difficile d’estimer le besoin futur en médecins spécialistes sur une période de dix ans. Une limitation du nombre de postes de formation postgraduée fondée sur une prévision aussi peu fiable n’est ni sérieuse ni appropriée. D’autant plus qu’il s’agit de postes de travail que l’on ne peut pas simplement supprimer ou créer à volonté. Une certaine flexibilité dans la formation médicale postgraduée est à la fois précieuse et judicieuse. Pour finir, elle permet aux médecins de se spécialiser et de travailler dans la discipline souhaitée. La possibilité de choisir sa discipline est particulièrement importante pour exercer sa profession avec motivation et endurance. Les hôpitaux et les patients en sont les premiers bénéficiaires tout comme l’ensemble du système de santé.

Vous obtiendrez d’autres informations sur le projet Réformer sur https://re-former.ch/, auprès du secrétariat central (stadler@asmac.ch) ou chez Patrick Mangold, juriste des sections Vaud et Jura (https://patrickmangold.ch).

Journal de l’asmac de décembre 2022 (p. 14-15)

Article original : Article Projet Réformer_asmac